Les opérateurs 112, des héros au bout du fil

Centrale d'urgence 112
Campagne d'information
Un appel au 112 permet de sauver des vies. Plus de 650 opérateurs répondent aux appels d'urgence, de jour comme de nuit. Pour Armand Veronesi, opérateur au 112 de Liège, « il est gratifiant de se rendre compte que l'on fait la différence, que l'on a compté dans la vie des gens ». Découvrez le travail d’opérateur à travers son interview.
Armand Veronesi

 

Bonjour Armand, parlez-nous un peu de vous ?

Je m’appelle Armand Veronesi. Ça fait dix ans que je suis opérateur 112 et six ans que je suis chef d’équipe. À l’époque, j’ai postulé parce qu'un ami, qui travaillait au recrutement 112 du SPF Intérieur, m'en avait parlé. Le service 112 était peu connu car il était jusque-là géré par les pompiers. J’étais l’un des premiers opérateurs fédéraux.

En quoi consiste votre travail ?

Le travail d’opérateur comporte différents aspects, dont certains sont essentiels.

Tout d’abord, un opérateur doit parvenir à déterminer la localisation exacte de l’appelant et il doit alors faire de son mieux pour comprendre ce qui se passe afin d’évaluer la situation et de savoir quel type d’aide il faut envoyer sur place. Dans la panique, il est déjà arrivé que l’appelant envoie la mauvaise localisation. L’opérateur peut aussi être amené à aider l’appelant, par exemple pour prodiguer les premiers soins du mieux qu’il peut. Le travail d’équipe est un aspect imortant du job. Chacun a son rôle pour pouvoir répondre le mieux possible aux appels.

Parvenez-vous toujours à savoir où l’incident se déroule ? Comment procédez-vous ?

Il y a plusieurs possibilités. L’application 112 permet d’obtenir la localisation correcte sans même que l’appelant ne nous ait donné son adresse. Les téléphones portables disposent aussi d’un système avec lequel une fréquence est transmise si nous ne parvenons pas pour une raison ou une autre à localiser l’appel d’une autre manière. Il existe également des systèmes comme Géoloc pour les personnes qui se sont perdues en forêt par exemple. Des indications comme le nom d’un magasin peuvent aussi être intéressantes pour déterminer la localisation. On essaie toujours d'obtenir une confirmation de la part de l’appelant. Le message à retenir, c’est que la première chose que nous devons savoir c'est l’endroit précis où l’incident a eu lieu.

Quels sont les atouts et les défis de ce travail ?

Pour moi, le contact avec les gens et le fait de montrer de l’empathie sont les atouts de ce travail. Le défi est de venir en aide à des personnes qui se trouvent dans une situation de stress. Cela demande parfois beaucoup d’efforts de notre part. Notre expertise peut faire la différence pour savoir quelle aide envoyer.

Comment gérez-vous les appels difficiles ?

À titre personnel, ce n’est pas si compliqué car je parviens facilement à garder mon calme. J’ai parfois plus de difficultés à gérer le stress des autres. En tant que chef d’équipe, il est aussi important de maintenir la motivation au sein du groupe et, parfois, d'ajuster la répartition des tâches.

Il existe aussi des techniques de communication pour apprendre à gérer le stress des appelants, pour les ramener à l’essentiel afin qu’ils nous fournissent les bonnes informations.

Depuis quelques temps, le Covid occupe une grande place nos vies. Existe-t-il des différences dans le type d’appels que vous recevez ?

Bien sûr. Au début, le Covid était encore une maladie inconnue. Pour certains, c’était la fin du monde. Certaines personnes avaient peur d’aller à l’hôpital. Le nombre de malades était beaucoup plus élevé, mais ils n’osaient pas appeler. À cause du confinement, les gens sortaient moins et il y avait moins d’accidents et de blessés. Maintenant que la maladie est mieux connue, il est étonnant que les gens s’inquiètent encore plus, surtout lorsqu’il s’agit d’enfants qui toussent ou qui ont un peu de fièvre. Il y a ceux qui ont une peur panique de la maladie et ceux qui nient l’existence même du virus.

Nous avons pu suivre une formation pour reconnaître les principaux symptômes et nous savons qu’avec certains symptômes, il ne sera pas nécessaire d’hospitaliser la personne. Il faut éviter la surcharge des hôpitaux.

Avez-vous des collègues qui ont (ou ont eu) peur du virus ?

Non, je ne pense pas. C’est vrai que nous avons eu un collègue qui a été aux soins intensifs alors qu’il était en bonne santé auparavant. Cela fait bien sûr réfléchir, mais en règle générale, il y a eu peu de stress parmi les membres du personnel.

On cherche régulièrement du nouveau personnel pour le 112. Pourquoi postuler pour le job d’opérateur ?

Parce que c’est un métier important ! Quand je me lève le matin, je suis fier de pouvoir aider, d’avoir pu compter dans la vie de certaines personnes. Initier une réanimation au téléphone peut sauver des vies. C’est donc un travail gratifiant. Évidemment, ce n’est pas un travail facile car il peut être stressant. C’est un métier de l’ombre qui est d’une importance vitale. C’est le premier maillon de la chaîne de secours.

Le 11/02, c’est la journée internationale du 112, une occasion de mettre en avant le métier d’opérateur. Avez-vous récemment eu des appels qui vous ont marqué ?

Bien sûr, il s’agissait d’un appel comme nous n’en recevons pas souvent. Un garçon de 12 ans a appelé parce que sa maman était allongée dans le fauteuil et qu’elle ne bougeait plus. Son petit frère de 7 ans était également présent et il ne savait pas ce qui c’était passé. L’ainé a raconté que son père était au travail et qu’il ne répondait pas au téléphone. C’est pour cette raison qu’il a appelé le 112. C’est là que je me suis rendu compte de la maturité de ce garçon. Il a essayé de réveiller sa mère, a contrôlé sa respiration et l’a placée dans une position lui permettant de respirer. En même temps, le garçon était en conversation avec un membre de sa famille, une tante. J’ai proposé au petit frère qui paniquait, de se rendre utile en lui demandant d’allumer la lumière, d’ouvrir la porte,etc. L’ainé a fait de la place pour les services de secours. Quand ils sont arrivés, le garçon a continué à les aider. Les services de secours étaient impressionnés. C’était un appel incroyable.

Comment expliquer que ce garçon connaissait si bien le numéro 112 et savait ce qu’il devait faire ?

Les écoles accordent beaucoup d’importance à la connaissance du numéro d’urgence et avant la période Covid, elles accueillaient aussi régulièrement des opérateurs. Les opérateurs enseignent aux enfants les connaissances de base: donner le lieu de l’incident lors de l’appel, rester près de la victime et contrôler sa respiration. Si la victime ne respire plus, l’appel doit en effet être abordé autrement.

Vous êtes également apparu dans l'émission Appels d’urgence. Cette émission reflète-t-elle la réalité ?

Ça reste en premier lieu un programme de divertissement et non d’information. La production sélectionne certains appels, mais cela reflète tout de même la réalité. Les appels sont complètements doublés, pour que l’appel original ne soit pas reconnu. Par exemple, un appel d’un garçon de six ans sera doublé par une fille de neuf ans. Ce n’est pas de la fiction et les gens apprennent ainsi à connaître notre métier. Ils apprennent également à quel point c’est important de répondre correctement aux questions que nous leur posons.

Vous êtes maintenant un opérateur connu ?

Oui, c’est parfois ennuyant dans les magasins. Une anecdote: j’ai un ami qui a acheté une maison et quand je l’ai aidé à déménager, le livreur de cuisine m’a reconnu. C’est parfois marrant aussi parce que certaines personnes que je n’avais plus vues depuis des années reprennent contact avec moi sur les réseaux sociaux parce qu’elles m’ont vu à la télé.

Que faut-il faire pour être opérateur ?

Il faut présenter un examen auprès du Selor et un entretien. Si vous réussissez ces étapes, vous pouvez être embauché. Ensuite, vous suivez une formation sur le terrain. Celle-ci dure quatre mois. C’est un travail important, mais tout le monde n’est pas fait pour ça. Il y a toujours une dose d’adrénaline dans ce travail et chaque jour est différent. La satisfaction de pouvoir venir en aide aux gens, on ne retrouve pas ça partout. Parfois, certaines personnes nous envoient un bouquet de fleurs ou des chocolats pour nous remercier. Néanmoins, c’est important de laisser le travail de côté quand on rentre chez soi et de ne pas ressasser un appel difficile. C’est pour cela que je refuse lorsqu’une personne que j’ai aidée me demande si elle peut me remercier personnellement. Les médecins non plus ne vont pas boire un verre avec leurs patients. La reconnaissance est plus que suffisante pour moi.